Le Service Laïque d’Action Citoyenne de Laïcité Brabant wallon: deux ans déjà !
15 janvier 2024
Le Service Laïque d’Action Citoyenne de Laïcité Brabant wallon fêtera (déjà !) ses deux ans en janvier prochain. L’occasion pour l’équipe du CALepin de prendre un peu de recul sur quelques-unes des actions réalisées par ce nouveau pôle mais aussi de faire des liens avec la thématique plus générale du logement. Explications.
Mercredi 25 octobre 2023. 10h. C’est sous une pluie battante digne d’un congé de Toussaint que nous rejoignons la gare de Wavre. L’objet de notre venue : l’organisation de la première « Marche du vide » au sein de la cité du Maca. Cette promenade guidée est une action locale qui s’inscrit dans une campagne régionale de lutte contre l’inoccupation portée par le RWDH (Rassemblement Wallon pour le Droit à l’Habitat). Parmi la douzaine de participants qui ont bravé les nombreuses gouttes ce matin-là, il y a celles qui habitent Wavre et fréquentent régulièrement l’Espace Femmes coordonné par l’ASBL Vie Féminine. Il y a aussi cette travailleuse sociale qui accompagne des publics fragilisés (issus de la rue, avec des assuétudes) dans la recherche d’un logement. Et ces deux femmes qui viennent de plus loin – Nivelles et Bruxelles – pour voir comment elles pourraient adapter le concept des marches du vide à leurs territoires respectifs. Pendant près de deux heures, le groupe de promeneurs arpente les rues du centre-ville de Wavre en tentant de repérer l’une ou l’autre habitation laissée vacante. « Le but de ces marches est de sensibiliser à la question de l’inoccupation et de mobiliser les citoyens et citoyennes afin qu’ils et elles s’en emparent », explique Vincent Wattiez, chargé de projets au Réseau Brabançon pour le Droit au Logement (RBDL), notamment créé par le Centre Culturel du Brabant wallon (CCBW) en 2013, et co-organisateur de l’événement.
Premier arrêt à deux jets de pierre de la gare où une masure s’impose déjà à nous. « On peut clairement présumer que la maison est vide depuis un petit temps de par le mauvais état général du logement et les toiles d’araignées qui se trouvent en bas de la porte d’entrée », souligne Brice Droumart, coordinateur du SLAC et cheville ouvrière des marches du vide. La première halte informative a lieu dans la galerie des Carmes pour nous livrer quelques chiffres significatifs en matière de logements vides. Pour ce point-ci, c’est Clara Adler, juriste-chargée de missions chez Habitat et Participation ainsi que co-organisatrice de la marche, qui s’en charge. A l’heure actuelle, il y aurait près de 100.000 logements vides en Wallonie1. Un chiffre étourdissant quand on connait les difficultés de certains foyers pour parvenir à se loger dans les limites de leur budget, sans parler des prix de l’énergie qui ont explosé depuis un an.
42.000 dossiers en attente d’un logement social
Autre chiffre interpellant : il y a actuellement 42.000 dossiers qui sont en attente d’un logement social en Wallonie2. Là où le bât blesse, c’est que les communes manquent cruellement de budget pour remettre en l’état les logements sociaux devenus insalubres au fil des années. La situation n’est guère plus réjouissante du côté du privé. « Au niveau du secteur privé, on constate que de nombreux étages de rez-de-chaussée commerciaux sont aujourd’hui vides parce que mal isolés, sans entrée indépendante ou inconfortables au niveau acoustique à cause des conduites qui traversent les étages », ajoute la juriste qui accompagne aussi au montage d’habitats groupés solidaires.
Afin de lutter contre ce triste fléau de l’inoccupation, le gouvernement wallon a décidé fin 2021 de mieux outiller les pouvoirs publics pour les aider à repérer les habitations vides. Depuis la rentrée 2022, les fournisseurs d’énergie peuvent désormais dévoiler aux communes les relevés de consommation en eau ou en électricité de logements suspects. Les consommations minimales d’un ménage ont été estimées à 15m³ d’eau ou 100kW d’électricité par an. En deçà
de ces seuils, une habitation sera supposée inoccupée. « Quand une commune a une présomption qu’un logement est vide depuis au moins 12 mois, le dispositif légal prévoit qu’elle doit informer le ou la propriétaire de ce constat de présomption d’inoccupation », précise Clara Adler. « Celui-ci a ensuite 60 jours pour réagir et justifier cette inoccupation qui peut être due notamment à une demande de permis d’urbanisme en cours, à des travaux devant démarrer prochainement ou encore à un conflit dans une succession. » Si aucune explication valable n’est fournie par le ou la propriétaire, la commune doit inscrire ledit logement dans son registre des logements vides.
Des outils concrets pour lutter contre l’inoccupation
Clara Adler nous apprend que chaque commune peut déployer trois outils – prévus par le CWHD (Code wallon de l’habitation durable) – afin de lutter contre l’inoccupation d’un logement :
- La prise en gestion volontaire ou forcée du bien par un opérateur immobilier (communes, CPAS, AIS3, APL4, société de logements publics) afin de le proposer à ses publics fragilisés. Le locataire paie le loyer à l’opérateur immobilier qui le rétrocède en bout de course au propriétaire (les frais de gestion et d’entretien sont déduits ainsi que le coût éventuel des travaux).
- La mise en place d’une amende administrative (qui vient s’ajouter aux taxes) car, tout comme il est pénalisable de squatter un logement vide, c’est également une infraction de laisser un bien immobilier sans occupant ou occupante. Le montant de la taxe : entre 500 et 12.500€, selon le nombre d’étages et la taille de la façade du bien, par période de 12 mois.
- L’action en cessation. Les communes comme les associations agréées par le gouvernement wallon ayant pour objet la défense du droit au logement (par exemple le Rassemblement Wallon pour le Droit à l’Habitat) peuvent agir en cessation devant le tribunal de 1ère instance pour faire cesser l’inoccupation. Le juge peut alors prendre toute mesure utile pour faire réoccuper le logement.
Le listing des logements vides doit a priori être mis à jour régulièrement par les communes et envoyé spontanément aux opérateurs immobiliers du territoire concerné.
Cette seconde marche du vide – la première a eu lieu à Ottignies en juin dernier – destinée à une série de publics, a permis aux citoyens/ citoyennes présents/présentes d’éduquer leur regard à l’inoccupation. « Comme au SLAC nous n’avons pas la prétention d’être des experts dans quelque domaine que ce soit, notre objectif est de connecter une série d’acteurs locaux pour tenter in fine de faire bouger les lignes à un plus large niveau autour d’un sujet en particulier, ici en l’occurrence le logement et, en filigrane, le droit à la propriété », ajoute Brice Droumart. Un travail de vulgarisation autour de cet outil d’éducation permanente comprenant notamment des outils promotionnels et des fiches d’animation est actuellement en cours afin de faire connaître plus largement les marches du vide, l’idée étant de les déployer dans les neuf communes qui ont participé en 2022 au dénombrement du sans-abrisme (Wavre, Ottignies Louvain-la-Neuve, Nivelles, Jodoigne, Tubize, Rebecq, Grez- Doiceau, Chaumont-Gistoux et Walhain). « Une suite logique » pour Brice Droumart qui était également à l’initiative de ce grand recensement jamais organisé par le passé au sein de la Province du Brabant wallon.
Recenser le nombre de sans chez-soi
Mais avant de parler plus amplement de ce vaste dénombrement, revenons au point de départ : la création du Relais Social du Brabant wallon. Notre Province était jusqu’il y a peu la seule du plat pays à ne pas être dotée d’un relais social. A noter que les villes wallonnes de 50.000 habitants et plus (Liège, Namur, Charleroi par exemple) abritent un relais social urbain tandis que, là où il n’y a pas de villes aussi importantes, un relais social intercommunal doit être créé. La Province du BW est dans ce cas-là. Le BW est en outre la seule province wallonne où, à cause de la longueur de son territoire, il n’existe pas d’abri de nuit. Pour satisfaire les besoins en hébergement des personnes sansabris, mal logées ou en grande précarité, le BW possède un dispositif d’hébergement d’urgence dont les places sont réparties sur l’ensemble du territoire (une dizaine au total pour l’instant).
Le 18 octobre 2021, alors que le SLAC est encore au stade embryonnaire, une trentaine de partenaires fondateurs – acteurs des secteurs public et associatif, dont LBW fait partie – sont mobilisés afin de mettre sur pied cette nouvelle structure qu’est le Relais Social Intercommunal. Sa mission ? Coordonner les services qui oeuvrent dans la lutte contre la grande précarité et l’exclusion sociale, notamment en faveur des personnes sans logement ou en logement inadéquat, sans oublier les services travaillant dans l’univers de la santé mentale, de l’aide alimentaire, de l’accueil de jour ou encore de l’accompagnement de publics spécifiques (sortants de prison, migrants en transit…). Grâce à un subside dégagé par le gouvernement wallon, Maëlle Dewaele est engagée en 2021 afin de mettre sur pied le Relais Social BW. Le chaînon manquant pour lutter contre la pauvreté en Brabant wallon est désormais en place. Mais point de travail pertinent sans données claires sur les besoins du terrain, surtout que la question du sans-abrisme a, jusqu’il y a peu, toujours été sous-estimée en BW. « A mon entrée en fonction, je savais qu’en plus de devoir fédérer les acteurs et actrices de l’ensemble des 27 communes de la Province, un travail de collecte de données allait devoir être mené »5, explique Maëlle Dewaele. C’est à ce moment précis que le SLAC intervient. « C’est grâce à l’impulsion du SLAC et au fait que LBW ait trouvé des financements afin d’engager une personne presque entièrement dédiée au dénombrement du sans-abrisme en BW que la création du Relais Social s’est accélérée », ajoute notre interlocutrice. Grâce au travail minutieux de Catherine Vande Vyvre, appuyée en cela par les chercheurs de l’UCL et de la KUL, sans oublier les 43 partenaires mobilisés, le dénombrement du sans-abrisme en BW est finalisé à la fin de l’année 2022. En mars 2023, l’organisation d’un Forum dédié au dénombrement permet de prendre toute la teneur de la question du sans-abrisme en Brabant wallon.
Un logement… et un accompagnement
Housing First est le premier projet déployé par le Relais Social du BW. Il vise à fournir un logement à des personnes ayant connu un long parcours d’errance et ayant une problématique de consommation et/ou de santé mentale. L’idée est de travailler à partir du logement pour viser le rétablissement des personnes ainsi que leur insertion durable. Ce processus est encadré par un accompagnement intensif et de longue durée proposé par une équipe de travailleurs et travailleuses pluridisciplinaires.
En parallèle de Housing First, le Relais Social brabançon recrute un capteur de logements dont la mission est de trouver des biens dans le parc immobilier privé qui puissent être loués à des publics fragilisés. « Etant donné le peu de logements disponibles sur le marché immobilier actuellement très tendu, le Relais Social vient de lancer la campagne d’affichage ‘Propriétaire solidaire’ pour inciter les particuliers à louer leur bien par notre intermédiaire », explique Maëlle Dewaele. Le capteur du Relais pourra en retour accompagner les propriétaires dans leurs démarches administratives.
Plus qu’un logement à tout prix, Maëlle Dewaele rappelle l’importance d’un accompagnement adéquat des personnes fragilisées lorsque ces dernières viennent d’être placées dans un logement. « Le plus gros challenge pour ce type de publics c’est de faire en sorte que ces personnes conservent leurs logements. Des équipes formées aux assuétudes et à la réduction des risques sont de ce fait essentielles pour que l’accompagnement puisse avoir lieu avant la prise de logement et pendant l’occupation de celui-ci. » Les équipes précarité mobiles qui seront créées prochainement – grâce à un appel à projets lancé cet été par le gouvernement wallon – permettront d’accompagner les personnes se trouvant dans des problématiques d’alcoolisme, de toxicomanie ou encore de santé mentale car rien n’existe encore en la matière en Brabant wallon.
Le SLAC, c’est aussi…
Le SLAC compte également un animateur qui est aux commandes des Fêtes Laïques de la Jeunesse et du voyage d’échange international pour adolescents Laïcitad. Un autre animateur est quant à lui en charge d’ateliers et animations sociopolitiques récurrents. Un cycle d’ateliers autour des droits des femmes a d’ailleurs permis de donner naissance au label « Allaiter-ici » qui permet aux parents – et en premier lieu mamans – de nourrir leur enfant dans des conditions favorables dans une série d’endroits de la Ville de Nivelles. Le SLAC est en outre le partenaire originel de Festiv’elles, le Festival du film sur les droits des femmes, qui se déploie chaque année sur Nivelles à l’occasion du 8 mars. Plus récemment, le SLAC a participé pour la première fois aux Journées Nationales de la Prison (JNP) en proposant un speed-dating avec des associations actives dans le milieu carcéral, une projection de films ainsi que l’escape game « 9m² ». Enfin, le SLAC est un partenaire privilégié du Festival du Film Solidaire qui a lieu chaque année entre fin octobre et début novembre.
L’opération « SLAC à dos », plus nécessaire que jamais
Depuis deux ans, à la date du 17 octobre qui est la journée internationale de lutte contre la pauvreté, le Service Laïque d’Action Citoyenne (SLAC) et le Relais Social du Brabant wallon lancent l’opération « Slac à dos » au profit des plus fragilisés et des « sans chez-soi » du Brabant wallon. L’idée est de fournir du matériel neuf ou en très bon état qui soit approprié (léger, compact et transportable à pied) aux besoins des publics-cibles. Produits d’hygiène, sac-à-dos, couvertures, tentes 2 secondes, gourdes, thermos, lampes torches… sont autant d’articles qui ont toute leur utilité. Retrouvez l’ensemble de ceux-ci ainsi que les adresses de cinq points de dépôt disponibles sur notre site Internet.
Sources:
1 « La Wallonie renforce sa lutte contre les logements inoccupés », www.wallonie.be.
A Bruxelles, entre 17.000 et 26.400 logements seraient vides selon une étude réalisée par des chercheurs de l’ULB/la VUB en 2021.
2 Chiffre émanant du site du PS. A Bruxelles, ils sont 50.000 à être dans ce cas.
3 Agence Immobilière Sociale.
4 Association de Promotion du Logement.
5 Propos tirés d’une interview réalisée le 8/11/2023.
Article d’Annabelle Duaut, pour Calepin N° 112